Par Mourad Attarça, Maître de Conférences à l’Université Versailles Saint-Quentin en Yvelines et à l’Institut Supérieur de Management

Mardi 27 novembre 2012
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Cadrage

Le lobbying a toujours soulevé des interrogations et des craintes liées à son caractère d’interface entre la sphère privée et la sphère publique. Souvent accusé de bien des maux, le lobbying cristallise les peurs et a été récemment désigné comme l’une des sources de l’actuelle crise économique mondiale.
Chargé de connotations négatives, le terme de lobbying convient d’être précisé et distingué de celui plus large d’influence. Alors que la notion d’influence intègre les relations de l’entreprise avec l’ensemble de ses parties prenantes, le terme de lobbying limite le processus d’influence aux relations de l’entreprise avec les décideurs publics.

Le lobbying aux Etats-Unis

L’apparition des pratiques de lobbying est concomitante au développement des institutions américaines, dès la constitution de l’Etat fédéral à la fin du XVIIIème siècle. La vision du lobbying aux Etats-Unis apparaît paradoxale : l’activité est considérée comme légitime car elle permet l’expression du pluralisme politique mais elle est également perçue comme potentiellement dangereuse pour la démocratie (corruption, etc.). Ainsi, la pratique du lobbying est perçue comme légitime lorsque 1) la finalité de la pratique est affichée et 2) les objectifs visés apparaissent légitimes. 56 % des américains conservent toutefois une image globalement négative du lobbying.
La pratique du lobbying est très encadrée, notamment :

Les lobbyistes doivent être enregistrés auprès du Congrès pour pouvoir exercer leur activité ;

Les organismes de lobbying doivent déclarer qui ils ont rencontré, quels ont été les sujets abordés lors des rencontres et quelles dépenses ont été effectuées dans le cadre des rencontres avec les hommes politiques ;

Les Political Action Commitees (PAC), organisations récoltant des fonds pour aider ou au contraire contrer certains élus ou décisions politiques, rendent en grande partie transparent le financement des partis politiques. Par ailleurs, le lobbying américain est caractérisé par une forteporosité entre le monde politique et le monde professionnel : la pratique du revolving door y est courante et légitime. Nombreux sont les politiciens à intégrer le monde des affaires et inversement. De son côté, la France a une plus mauvaise image de ces pratiques : le terme péjoratif de « pantouflage » est employé pour qualifier les anciens haut-fonctionnaires partant exercer dans le privé.

Le lobbying en France et dans l’Union Européenne

La France nourrit une relation que l’on pourrait qualifier de schizophrénique avec l’activité de lobbying. En effet, selon la légitimité accordée au groupe d’intérêt, on parlera soit de partenaires sociaux, soit de lobbies, accordant à chacun des termes des connotations positives ou à l’inverse négatives. Le système français de représentation des intérêts peut être qualifié d’hybride, dans la mesure où il relève à la fois du pluralisme, de l’élitisme ou encore du néo-corporatisme suivant les secteurs considérés. De manière plus générale, on observe une démocratisation ainsi qu’une prise d’ampleur du phénomène de lobbying en France depuis les quinze dernières années. A l’image de l’Union Européenne, la France possède une réglementation limitée à un stade embryonnaire mais à la forte portée symbolique et politique.

La fonction « Affaires Publiques »

Apparue dans les années 60 aux Etats Unis, la fonction « Affaires Publiques » se développe fortement dans les années 70. Le lobbying apparaît comme l’un des champs d’action de cette activité, qui prend en charge un ensemble relativement large des relations non marchandes de l’entreprise. On observe aujourd’hui une formalisation progressive de la fonction mais des difficultés persistent quant à sa reconnaissance au sein du processus de décision et quant à l’évaluation de sa performance.

Questions et prolongements

La discussion initiée par la présentation a notamment porté sur la corrélation entre l’augmentation de la régulation des pratiques de lobbying et la diminution de la corruption et des pratiques frauduleuses. La comparaison des Etats-Unis (lobbying très régulé) avec l’Union Européenne (peu de régulation) vient limiter voire contredire l’affirmation selon laquelle une plus grande régulation impliquerait des pratiques plus éthiques et une absence de dérives. Par ailleurs, les discussions autour de la place occupée par la fonction Affaires Publiques au sein des différentes entreprises partenaires a confirmé son caractère diffus et propre à chaque organisation.